dimanche 1 juillet 2012

The Newsroom, reflet d'une Amérique qui s'interroge sur elle-même

HBO a réussi un coup médiatique avec le premier épisode de sa nouvelle série vedette, The Newsroom. Coïncidence: la même semaine, les médias américains vivent à l'heure des règlements de compte. Après une journée de "couacs" qui fait polémique au sujet de la manière dont les médias ont traité la décision de la Cour Suprême sur la réforme du système de santé américain, beaucoup se refusent à cautionner l'idée d'une réélection gagnée d'avance face à son adversaire Mitt Romney, sans pour autant soutenir ce dernier. Et voici pourquoi.

La diffusion par la chaîne américaine HBO, le 24 juin, du premier épisode de la nouvelle série intitulée The Newsroom, fait des vagues dans le sérail médiatique. Avec plus de 2 millions de téléspectateurs, le score est honorable. Mais l'accueil des professionnels est une autre affaire. Jugée « arrogante » par le Sunshine State News, « au vitriol » par le Los Angeles Time, elle suscite un triple « Bravo » de la part de Slate et un procès en « idéalisme » de la part du Daily Beast. Pour comprendre les raisons d'un tel remue ménage, il suffit de se référer à la toute première scène du feuilleton.

Jeff Daniels incarne Will McAvoy, le présentateur d'une grande chaîne opportunément dénommée ACN, que l'on découvre à l'écran au cours d'un débat télévisé où la polémique fait rage entre deux adversaires politiques. L'un traite avec virulence Obama de « socialiste » et l'autre fustige l'individualisme en assénant que celui-ci « ne construit pas les autoroutes ». La polémique, vive, tourne autour de l'éternel clivage américain autour de la question de savoir quelles sont les préorgatives de l'Etat et celles de l'individu, les deux s'opposant quotidiennement dans l'opinion américaine.

Will McAvoy apparaît perdu dans ses pensées tandis que les deux débatteurs s'étripent, et semble passablement s'ennuyer. Plusieurs fois interpellé par le présentateur de cette émission, il botte en touche, et se trouve accusé de ne jamais prendre position pour ne pas froisser son public. Sommé de prendre position, de dire pour qui il a voté, s'il est démocrate ou républicain, il s'acharne à déjouer l'agressivité du présentateur. Jusqu'au moment où, dans le public, une jeune étudiante invitée à poser sa question, s'adresse aux trois participants de l'émission: « Pouvez-vous dire en une phrase ou moins... (rires) Pardon, vous comprennez ce que je veux dire... Pourquoi les Etats-Unis sont le meilleur pays au monde? » Après un bref silence, la femme qui incarne la défense de la politique d'Obama lance: « Diversité et opportunité ». Son opposant rétorque: « Liberté et Liberté. Que ça reste ainsi. » (Applaudissements). Lorsque son tour arrive, Will McAvoy reprend la même boutade que depuis le début du débat: « Les New York Jets » (une équipe de football américain du New Jersey, NDA). Rires. « Non », rétorque le présentateur à bout d'agacement, « je ne vais pas vous laisser vous en sortir comme ça. Pourquoi les Etats-Unis sont-ils le plus grand pays au monde? » « Eh bien,» répond McAvoy dans une nouvelle pirouette, « comme les deux débatteurs l'on dit, Diversité et opportunité, Liberté et Liberté. » « Vous ne repartirez pas sans avoir répondu », s'irrite le présentateur. Soudain, se sentant dos au mur, Will McAvoy commet la sortie qui va donner le ton de tout le projet télévisé:

« Eh bien, notre Constitution est un chef d'oeuvre. James Madison était un génie. La Déclaration d'indépendance est le plus grand écrit américain. »

Il fait une pause, regarde le présentateur, « vous semblez perplexe », lui lance t-il.

« Un texte juridique et une déclaration de guerre » assène celui-ci. « Je vous demande de l'humanité. Et les gens? »

Avant que le présentateur ne poursuive son interrogatoire, Will McAvoy s'emporte finalement dans un diatribe historique:

« Ce n'est pas le meilleur pays. Voilà ma réponse. »

La caméra balaie un public stupéfait, qui perd son sourire.

« Vous dites... » - « Oui. » - « Passons à... » McAvoy l'interrompt et se tourne vers l'étudiante:

« Sharon, aucun intérêt à subventionner l'Art. Ca nous coûte un centime à chacun mais il (le présentateur, NDA) peut vous charrier avec. Ca coûte des votes, pas de l'argent. Du temps d'antenne, du papier.

« Les gauchistes sont détestés parce qu'ils perdent. S'ils sont tellement intelligents, qu'ils arrêtent de perdre!

« Et vous allez sérieusement dire aux étudiants que les Etats-Unis sont si géniaux qu'ils sont les seuls à être libres?

« Le Canada est libre, le Japon est libre. Le Royaume-Unis, la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, l'Australie, la Belgique, tous sont libres! 207 Etats souverains au monde dont 180 sont libres.

« Vous, l'étudiante écervelée. Si vous vous égarez un jour dans un bureau de vote, vous devez savoir une chose. Il n'y a aucune preuve que l'on soit les meilleurs au monde.

« On est 7ème en alphabétisation, 27ème en calcul, 22ème en science, 49ème en espérance de vie, 178ème en mortalité infantile, 3ème en revenu moyen, 4ème en force de travail et en exportations.

« On mène dans trois domaines: nombre de citoyens incarcérés, nombre d'adultes qui croient aux anges, et pour les dépenses, plus que les 26 pays qui nous suivent réunis, dont 25 alliés.

« Rien de cela n'est dû à une étudiante de 20 ans. vous faites cependant partie de la pire génération, et de loin. Point.

« Alors quand vous demandez pourquoi nous sommes les meilleurs, je ne vois pas de quoi vous jactez. Du parc de Yosemite?

Long silence. La caméra montre un public saisi et une étudiante toujours debout mais choquée et peinant à contenir son sentient d'humiliation et de colère.

« Avant, on l'était, reprend-il d'un ton soudain plus calme, presque las.

« On défendait un idéal. On se battait pour une morale. On faisait des lois avec éthique. On faisait la guerre à la pauvreté, pas aux pauvres. On se sacrifiait. On s'occupait de ses voisins. On utilisait l'argent pour se nourrir et on n'était pas en compétition. on construisait de grandes choses. On faisait des progrès techniques invraisemblables. On explorait l'univers. On guérissait les maladies. On avait les plus grands artistes et la plus grande économie. On visait les étoiles.

« On agissait en hommes. On aspirait à l'intelligence, on ne la dénigrait pas. On ne s'indentifiat pas à notre vote aux dernières élections. On avait moins peur.

« Nous étions capables de tout cela, car nous étions informés. Par des grands hommes vénérés. Avant de résoudre un problème il faut reconnaître son existence.

Les Etats-Unis ne sont plus le meilleur pays au monde. »

« Satisfait? » lance t-il au présentateur, dans un silence de mort.

(...)

http://www.marianne2.fr/obj-washington/The-Newsroom-reflet-d-une-Amerique-qui-s-interroge-sur-elle-meme_a109.html

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