dimanche 18 décembre 2011

La "French touch" des deux favoris républicains à la présidentielle

AFP

C'est un point commun inattendu : les deux favoris de la course à l'investiture républicaine pour la présidentielle américaine de 2012 ont vécu plusieurs années en France. Et les deux hommes disent avoir été marqués par ces années françaises.

Le riche entrepreneur Mitt Romney a vécu deux ans et demi à Paris et Bordeaux dans les années 1960. Le vieux loup de la politique Newt Gingrich a vécu, adolescent, plusieurs années à Orléans où son père militaire était en poste, quand la France accueillait encore des bases américaines. Mais les deux candidats n'en ont pas gardé trace dans leur biographies officielles : c'est qu'il n'est pas toujours bon aux Etats-Unis, notamment auprès de l'électorat conservateur, de paraître trop français, un sentiment ravivé en raison de l'opposition de Paris à la guerre en Irak. Mitt Romney en fait d'ailleurs l'amère expérience dans un clip de campagne récemment diffusé par ses adversaires et où on le montre s'exprimant uniquement...en français.

Le 4 juillet 1966, jour de fête nationale américaine, Mitt Romney, 19 ans, s'envole de Salt Lake City pour aller prêcher l'Évangile à l'étranger pendant 30 mois, comme cela est la coutume pour les jeunes mormons comme lui. Sa mission l'emmènera de Paris à Pau en passant par Limoges, Brest, Le Havre et Bordeaux, où il va s'installer quelques mois. "On se levait tous les jours à 6 heures. On faisait notre toilette, on mangeait, on étudiait le français et la Bible et vers 9 heures on partait faire du porte à porte deux par deux" pour faire connaître la religion mormone, raconte Michael Bush, l'un des Américains parti avec Romney. "Les gens nous aimaient bien parce qu'on était Américains, d'autres nous claquaient la porte au nez en nous disant: "Allez-vous en du Vietnam", se souvient l'ancien compère. "On lisait L'Express et le Herald Tribune, on allait au cinéma". Dans son livre "No apology: the case for American greatness", Mitt Romney se souvient qu'il lisait un ouvrage de Jean-Jacques Servan-Schreiber, "Le défi américain", dans lequel le journaliste s'interroge sur la meilleure façon pour la France de réagir à l'ascension de l'Amérique. A l'occasion, avec ses amis américains, Mitt Romney organise un match de base-ball pour faire découvrir ce sport exotique. "On avait même un micro pour expliquer les règles", se souvient Michael Bush.

Pour André Salarnier, le responsable de la chapelle de Talence, près de Bordeaux, où Mitt se rend tous les dimanches, il n'y a pas de doute : c'est un "francophile" qu'il invitait à dîner à la maison. "Dans la manière dont il se conduisait avec nous, par rapport à beaucoup d'Américains qui ne comprenaient pas grand chose à la France, Romney était très ouvert", explique-t-il. Après Bordeaux, Romney passe quelques mois à Paris. "Je me souviens de lui circulant en mobylette dans les rues. Il parlait bien français, il était jovial et s'était familiarisé avec la culture française, il maniait bien l'ironie à la française", raconte un autre mormon, Christian Euvrard, 58 ans aujourd'hui.

C'est dans la capitale qu'il vivra mai 68. "Pour nous, c'était une période intéressante mais assez dure", raconte Michael Bush. A cause de la grève générale, les Américains ne reçoivent plus l'argent de leurs familles. "Mitt a dû aller en Espagne pour récupérer de l'argent". Plus grave, en juin 1968, Mitt Romney est au volant d'une citroën DS 21 quand il est percuté par une voiture. Une femme qu'il accompagne est tuée sur le coup. Mitt est hospitalisé quelques jours. Son père, alors gouverneur du Michigan, envoie sur place son médecin personnel. Romney rentre aux Etats-Unis à la fin de 1968. "Le fait de vivre dans un pays étranger, avec une langue étrangère et une religion étrangère amène à chercher au plus profond de soi ce que sont ses convictions et ce qu'on veut faire de sa vie", dira-t-il des décennies plus tard, selon le Boston Globe.

Le "passé français" de Newt Gingrich, son grand rival, est beaucoup moins connu. De 1956 à 1958, l'artisan de la nouvelle droite américaine a vécu à Orléans. Il avait alors entre 14 et 16 ans. Il raconte depuis qu'il a eu une révélation en visitant un ossuaire du champ de bataille de Verdun avec son père, en 1958. "Avant de visiter Verdun, je voulais devenir directeur de zoo ou paléontologue", a-t-il écrit. "Après ce week-end, j'ai changé de vocation. J'ai abandonné tout ça pour essayer de comprendre l'histoire, l'art de commander et ce qu'il fallait à l'Amérique pour survivre", a-t-il dit dans une interview. "Ça a sans doute été le moment le plus marquant de ma vie", dit-il dans sa biographie "Le gentleman de Géorgie".

Dans ce livre, Mel Steely raconte que les Gingrich ont vécu plusieurs mois dans une chambre d'hôtel que l'adolescent quittait le matin pour aller au lycée américain. Ils iront ensuite vivre au premier étage d'un château de la Loire, à Beaugency. Newt "parlait suffisamment bien français pour survivre" et quand il cherchait un peu d'aventure il "faisait souvent un tour en bus dans Orléans".

Nulle trace d'Orléans, Bordeaux ou Paris dans les portraits officiels que les deux candidats ont mis en ligne sur leur sites. Aux Etats-Unis, certains n'ont toujours pas digéré l'opposition de la France à la guerre en Irak. Dans la foulée, les frites appelées "french fries" avaient été rebaptisées "Freedom fries". Et en 2004, un autre candidat francophile, le démocrate John Kerry avait été moqué pour son "look trop français".

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