samedi 16 juillet 2011

I love you France

THE NEW YORK TIMES

Amoureux de l'Hexagone, l'historien et auteur américain David McCullough revient, à l'occasion du 14 juillet, sur les liens qui unissent les deux pays, de Tocqueville à la Seconde Guerre mondiale.


A l’issue de l’arrestation à New York de Dominique Strauss-Kahn, alors directeur du Fonds monétaire international (FMI), certains en ont profité pour remettre en question les relations franco-américaines. Certes, nous ne verrons sans doute jamais nos rues pavoisées aux couleurs de la France un 14 juillet pendant que La Marseillaise retentirait sur nos ondes, mais nous n’ignorerions pas à ce point cette date si notre mémoire ne nous faisait défaut. Car les liens qui unissent les Etats-Unis et la France sont plus importants et infiniment plus intéressants que ne le savent la plupart d’entre nous.

N’oublions pas que la guerre qui a donné naissance à notre nation, notre guerre pour l’indépendance, aurait fort probablement mal fini sans le soutien financier et militaire massif de la France, tant sur terre que sur mer. Lors de la reddition décisive des Britanniques à Yorktown, par exemple, l’armée française sous les ordres de Rochambeau était plus nombreuse que la nôtre, dirigée par Washington. Le commandant britannique, Cornwallis, s’est retrouvé pris au piège et sans d’autre solution que de déposer les armes parce qu’une flotte française était entrée dans la baie de Chesapeake au moment opportun.


Le traité crucial qui a mis fin à la guerre d’indépendance, par lequel le roi Georges III reconnaissait les Etats-Unis comme "libres, souverains et indépendants”, a été signé à Paris. Le plan de notre nouvelle capitale sur le Potomac a été dessiné par un ingénieur français, Pierre-Charles L’Enfant. La première grande statue de notre premier président a été l’œuvre d’un sculpteur français, Jean-Antoine Houdon. La première étude fondatrice réalisée à notre sujet en tant que peuple, La Démocratie en Amérique, l’a été par un historien français, Alexis de Tocqueville. Publiée en 1835, elle reste un des ouvrages les plus avisés jamais écrits sur nous.

Il est vrai que nos relations avec la France n’ont pas toujours été de tout repos. Les tensions liées à un imbroglio diplomatique, "l’affaire XYZ", débouchèrent en 1798 sur un véritable conflit naval sans déclaration de guerre, qui aurait pu dégénérer en affrontement à grande échelle si le président John Adams n’avait su garder son sang-froid. Mais les avantages de nos liens avec la France dépassent de loin toutes les aspérités rencontrées. Grâce à l’achat du territoire de Louisiane, la taille de notre pays a plus que doublé. La statue de la Liberté, un de nos symboles les plus chers, est un cadeau de la France.

Les noms français sont légion en Amérique, villes et Etats, lacs et cours d’eau : Baton Rouge, Des Moines, La Nouvelle-Orléans, Saint-Louis, Terre Haute, la Louisiane, le Vermont, la rivière Au Sable, le lac Champlain. Plus de neuf millions d’entre nous ont des origines françaises. Plus d’un million d’élèves américains apprennent le français, ce qui en fait la langue la plus souvent étudiée dans nos écoles, après l’espagnol.

Les temps ont beau changer, nous sommes toujours très ostensiblement amateurs de tout ce qui est français. Nous nous habillons de vêtements, de dentelles, de chemises françaises, dépensons des petites fortunes en parfums et sacs français. Nous adorons les portes-fenêtres, que nous appelons des “portes françaises”, et les fromages français. Nous avons fait des frites, les "French fries", un plat national, et depuis des lustres, nous avons pour tradition de lever des flûtes de champagne français lors des grandes occasions.

Et il y a une autre raison pour laquelle la France devrait occuper une place de choix dans notre souvenir et dans nos cœurs. Elle a été le théâtre de plus de grands moments de notre Histoire, et sa terre sert de sépulture à plus d’Américains qu’aucun autre pays dans le monde, à part le nôtre. Pendant la Première Guerre mondiale, plus de deux millions de soldats américains ont servi “là-bas” [Over There, titre d’une marche militaire américaine]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, 800 000 soldats américains de la génération suivante se sont battus en France. En tout, plus de 60 000 Américains sont enterrés sur le sol français, en Meuse-Argonne, en Normandie et dans neuf autres cimetières militaires. Et 14 246 Américains reposent dans celui de Meuse-Argonne. Les rangées de pierres tombales sont un spectacle qu’il ne faut jamais oublier.

Si j’aime la France et ai beaucoup d’estime pour les amis que j’y compte, je ne suis pas non plus un francophile invétéré. Mais en tant qu’Américain, je pense qu’il est grand temps de renouer avec le respect et l’affection entre nos deux pays, sur tous les fronts et avec la meilleure volonté du monde. En ce qui me concerne, le 14 juillet, j’ai levé une ou deux flûtes de Veuve Cliquot, et du fond du cœur, je me suis écrié : “Vive la France !*”

Note :* En français dans le texte.

Aucun commentaire: