mercredi 9 juin 2010

"Les jeunes banquiers français ont un excellent bagage technique et financier"

Michel Baroni, professeur de finance à l'Essec

LEMONDE.FR

Pourquoi retrouve-t-on tant de financiers français dans les salles de marché des plus grandes institutions bancaires, à Londres, New York ou Hongkong ?

Michel Baroni : La clé du succès est à chercher du côté de leur formation, qui cumule plusieurs particularités. D'un point de vue académique, la science des probabilités [qui permet de définir des modèles qui serviront d'appui aux banquiers pour élaborer les produits financiers] est enseignée en France depuis très longtemps. Cette formation mathématique très poussée encourage les étudiants en finance à s'orienter vers les produits complexes, d'autant plus que ces masters accueillent beaucoup d'ingénieurs. Inversement, les écoles d'ingénieurs ont leurs propres cursus en finance.
On se retrouve donc face à des étudiants qui disposent d'un excellent bagage technique et financier. A noter que cette combinaison des savoirs est moins enseignée dans les autres pays européens, ce qui explique le succès des Français à l'étranger.

La finance parisienne a-t-elle pâti de l'exode des financiers vers des places européennes, américaines ou asiatiques plus attractives ?

Il est certain que Londres offre plus de débouchés que Paris en ce qui concerne la finance technique, d'où le nombre important de cadres financiers qui s'établissent là-bas. C'est une place qui permet d'élaborer des produits extrêmement sophistiqués. Cela dit, toutes les banques n'ont pas déménagé leur équipe technique outre-Manche. La Société générale, par exemple, a conservé son pôle technique à Paris.

(...)

Deux Français, Jérôme Kerviel et Fabrice Tourre, sont actuellement au cœur de deux des plus grands scandales financiers de la décennie. Est-ce révélateur d'une spécificité française dans la façon d'envisager le risque ?

Les cours d'éthique et de déontologie existent depuis déjà pas mal d'années dans les masters de finance français. Les étudiants doivent connaître les bonnes pratiques et être avertis des conflits d'intérêt. Cet ensemble de règles définit ce qu'on appelle la "compliance" [la conformité], c'est-à-dire l'ensemble des règles à respecter pour rester en accord avec les lois qui régulent les marchés. De plus, la connaissance de ces règles est nécessaire pour obtenir la certification qui permet aux financiers d'exercer leur métier.

Ces règles sont à peu près les mêmes partout, mais il y a d'un côté une façon plutôt anglo-saxonne de les appliquer, par le biais de chartes de bonne conduite, et de l'autre, une voie française qui consiste à faire appel à son propre jugement. C'est toute la différence entre la culture catholique et la culture protestante.

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